Santhiou Bouna

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1. La cantine

jeudi 13 février 2003, par Christophe D.


L’an dernier en quittant Dakar, j’avais laissé à Jeanne la mission informelle de me trouver, à l’occasion, le lit de camp militaire en bois et toile dont je rêvais pour dormir surélevé et sans matelas au village.

Elle m’avait prévenu dans le courant de l’année qu’elle avait acheté ce qu’il me fallait. Mais Jeanne n’écoute pas ! Je voulais un lit en toile et elle prend un lit, certes pliant, mais tissé de ces lanières de plastique qu’on utilise en France pour sertir les cartons. Sachant cela j’avais donc décidé d’acheter en France le lit de mes rêves. Je l’ai trouvé dans un surplus à Montparnasse : 12 kilos, 350 francs.

Au village les écoliers aiment à répéter : « les enfants sont têtus » …

Du coup, je m’étais aussi équipé d’une cantine bleu-clair en métal dans laquelle je pouvais loger mon lit, plié, ainsi que tous les livres et cadeaux qui devaient m’accompagner cette année.

Avec mon billet charter, j’avais droit à 25 kilos de bagages, j’imaginais atteindre 70. La balance du comptoir d’enregistrement a tranché : 80 kg. J’ai bien essayé de négocier une dernière fois, mais Nouvelles Frontières n’accorde de réduction qu’aux associations d’aide humanitaire dûment constituées. On m’a fait grâce de 5 kilos mais j’ai dû débourser autant que mon billet aller-retour pour le seul voyage aller de mes cadeaux. J’ai un peu honte de cet argent "gaspillé", prix de mes improvisations mais aussi de ma tranquilité. Nous voilà partis, le vol est direct, je sais que la cantine arrivera en même temps que moi, que je ne perdrai pas de temps pour la récupérer lundi au bureau de frêt, que je devrais pouvoir passer la douane sans payer de bakchich, qu’elle ne sera pas pillée en mon absence.

Aéroport international Léopold Sédar-Senghor, 2 heures du matin.
Contrôle des passeports

Sur la fiche de débarquement il faut AUSSI que je remplisse la partie réservée à l’administration. À la rubrique lieu de séjour, j’inscris « Santhie Bouna, arrondissement de Meckhé. » Le policier lève le nez :
— Santhie Bouna arrondissement de Meckhé ? ? ?
— Oui
Il marmonne en réponse derrière son comptoir, puis demande :
— Chez qui ?
— Amadou Ndiaye
Il note puis, Chtong ! Chtong ! me voilà tamponné. Je peux passer.

Les faux-guides m’ont repéré tout de suite. Pour un tarif excessif, mais pour avoir la paix et récupérer peut-être plus vite mon bagage, j’explique à l’un d’eux que j’attends une malle très lourde qui ne sera sûrement pas mise à tourner sur le tapis. Il me dit d’attendre, que ça va venir sur le tapis, si, si, si, qu’en attendant il va chercher un chariot.

Un de ses potes me propose à son tour son assistance. J’explique que je me suis arrangé avec son "collègue" et raconte l’histoire de la cantine qui n’ira pas sur le tapis roulant. Plus dégourdi, il profite de ses passe droits pour parler en coulisses aux déchargeurs de conteneurs.
— Elle est derrière, on va la faire passer.
Je les laisse récupérer la malle et l’installer sur le chariot, paye le plus dégourdi et refuse fermement tout autre service.

À la douane j’ôte le cadenas et expose docilement le contenu de ma cantine. Il faut un peu tout déballer, expliquer, et puis subitement c’est bon il faut circuler, débarrasser le plancher et tout ranger en un temps record.

Dehors, Amadou m’attend comme prévu avec Ndiaye le fidèle taxi de Jeanne. Nous ne sommes pas trop de trois pour porter la malle jusqu’à la voiture et la hisser dans le coffre.

Le pare-brise du taxi de Ndiaye est toujours aussi fendu que l’an dernier. Les phares éclairent mal et surtout pas la route. On ne peut pas compter sur les lampadaires non plus car il y a une coupure. On roule lentement, il fait un chaleur moite, par la fenêtre grande ouverte je sens la condensation ruisseler sur la carrosserie.

Malgré les courants d’air chez Jeanne, au onzième étage, il est difficile de s’endormir à cause de la moiteur et de l’excitation d’être enfin arrivé. Demain matin mon quatrième séjour au Sénégal va commencer…


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