Santhiou Bouna

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6. Penda

lundi 31 mars 2003, par Christophe D.


Amadou a eu la bonne idée de demander à Modou Ndiaye le boutiquier s’il pourrait acheter les fournitures en gros pour un prix plus avantageux. Nous nous retrouvons donc tous les quatre à la nuit dans la chambre de Sakho pour discuter.

Pour évaluer le coût de l’équipement des 31 élèves il faudrait connaître le prix des différents articles. Sakho a noté les prix pratiqués à Rufisque, et Modou fouille sa mémoire pour livrer les prix qu’il peut obtenir en achetant les cahiers par paquet de 25. Ici pas de catalogues ni de listes tarifaires, un boutiquier doit avoir de la mémoire, et je ne suis épaté qu’il connaisse le prix des fournitures par coeur. Ce n’est pas ce qu’il vend tous les jours. Les cahiers en excédent, Modou les gardera pour garnir son fonds de commerce, je peux donc calculer le montant à engager pour mes 31 filleuls. Sakho me fournit papier et stylo et à la lueur de la lampe à pétrole je me lance en calculs et vérifications des calculs... 31 cahiers de 32 pages, 62 cahiers de 100 pages et 93 cahiers de 50 pages. J’obtiens 39.680 que j’arrondis à 40.000 CFA. Ca ne fait après tout que 400 francs français.

Pour les livres de lecture "Sidi et Rama CE2" il faudrait compter 2500 francs par exemplaire. Je n’aurai pas assez d’argent, mais un livre pour deux suffira, soit encore 40.000 francs.

Sur ces beaux arrangements nous nous séparons. Chez Amadou la maison est étrangement calme. Je réalise alors que, retirées derrière la palissade qui sépare le coin cuisine, la mère d’Amadou et deux autres femmes sont installées par terre à côté de Penda. Assise sur ses talons, elle se balance d’avant en arrière et pleure.

Penda Ba a quinze ans environ. Ses parents sont morts il y a longtemps et elle habite depuis chez sa tante, la mère d’Amadou. L’année dernière il m’avait indiqué qu’elle était promise à un garçon qui habite derrière. Ils ne sont toujours pas mariés, sans doute parce que le garçon n’a pas d’argent pour payer une dot, mais quand l’enfant sera là elle ira habiter chez lui. Il y a, au village, des souplesses avec le mariage...

Amadou me dit qu’il va revenir, sa mère l’envoie chercher les sept épines.
— Je peux venir avec toi ? Nous allons à la place du village. J’aide Amadou à attraper une branche du grand arbre qui pousse à un angle dont il arrache des épines de six à sept centimètres de long qui ont la section d’une allumette.
— C’est pour quoi faire ?
— C’est une chose des femmes. Je ne sais pas.
Nous rentrons.

Je suis allé m’accroupir en silence quelques minutes à côté de Penda et des femmes, puis je suis rentré me coucher. J’ai envoyé Amadou proposer ma lampe mais on lui a répondu qu’avec la pleine lune c’était inutile.

Je n’a pas dormi tranquille. Ndeye et Amadou se sont levés plusieurs fois dans la nuit, et moi aussi. Les femmes se relayaient autour de Penda qui se balançait toujours de douleur. Au petit matin, Amadou est allé voir un ami pour se faire prêter un cheval et une charrette. On a mis une natte sur la plate-forme, Penda s’est allongée dessus avec un petit coussin-oreiller. La mère d’Amadou a pris une petite réserve d’eau dans une barada et j’ai prêté mon canif.

Vers six heures, Amadou a pris les rênes et ils sont partis doucement vers Ngaÿ, au dispensaire, à dix kilomètres. Alli, alli...

Assis au milieu, sur la photo, le mari de Penda.
La charrette a des pneus car on va dans le sable.
Là ils transportent des branches de silane qui serviront de poteaux pour les clôtures qu’il faut refaire au moins tous les deux ans.
Comme celle-ci, les charrettes ont souvent un "porte-bagage", c’est le filet sous la plate-forme.


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