Santhiou Bouna

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2. Géographie du village

lundi 31 mars 2003, par Christophe D.


Dans les annales d’examens d’entrée en sixième, beaucoup d’exercices de mathématiques s’appuient sur des histoires de champs et de cultivateurs. A force de calculer des surfaces de champs imaginaires, j’ai eu envie de mesurer le village.

Quelques élèves ont parlé d’utiliser la corde de l’ancien puits pour aller plus vite. En fin de journée, j’ai rencontré Ahmed. Il me remémoré le décamètre offert à l’école il y a quelques années.

C’est Birane, un des élèves, qui garde chez lui la clef de la classe. Il nous a donc accompagné fouiller l’unique armoire, pour y découvrir cette boîte à chaussures décorée d’une impression léopard que je reconnut tout de suite. Le décamètre y était toujours, et en bon état.

Nous sommes partis de la clôture de la maison d’Ahmed qui forme, avec les classes, l’extrémité ouest du village. De là part la principale rue est-ouest du village, objet de notre première mesure. 160 mètres jusqu’à la place village, que nous avons longé sur 65 mètres, puis encore la rue rectiligne sur 125 mètres (voir photo) jusqu’à la dernière maison.

Pour notre mesure sud-nord, notre groupe d’arpenteurs était devenu beaucoup plus nombreux. Des gens nous ayant vu passer colportaient déjà que je prenais des mesures en vue de l’électrification du village.

En partant de derrière la maison de Sidate, après le puits inachevé, nous avons recommencer à mesurer. A 78 mètres nous avions atteint la place du village, à 147 nous la quittions en croisant notre mesure précédente, à 320 mètres nous avions traversé jusqu’au nord, jusqu’au point de rendez-vous matinal du berger.

Chaque matin sauf le lundi, on conduit les chèvres et moutons au berger, qui les accompagne promener dans la brousse. Le soir, nul besoin d’aller chercher ses animaux, ils connaissent leur maison et rentrent seuls.

Les lundis, jours de marché à Ngaÿ, il n’y a pas de berger : lui aussi a des courses à faire. Les familles paient le berger mensuellement, autour d’un euro par tête de bétail, ce qui, d’après mes calculs doit être plutôt lucratif.

Quand un animal manque on va nuitamment se plaindre au berger et le menacer si l’animal n’est pas là demain. Heureusement, bien souvent, on le retrouve tout simplement aux abord du village, attiré par quelque partenaire sexuel, et égaré. Sinon auront lieu de longues tractations concernant la valeur du bétail perdu, car le berger devra rembourser.

350 mètres par 320, soit quelques onze hectares. Et plus de huit cent habitants selon le recensement d’Amadou. Car Amadou a fait un recensement ! Il m’a montré ça sur un cahier qui lui appartient. Une longue liste des habitants de chaque maison, avec prénom, nom et âge approximatif. Ce sont ces pages de cahier, photocopiées pour le Sous-Préfet, qui doivent permettre aux familles de recevoir les 8 kg de riz par tête que le Chef de l’Etat a promis en raison de la sécheresse.

Pour la seconde année consécutive, il n’a pas plu convenablement cet été. On a semé aux premières pluies, fin juin, mais le temps sec est revenu s’installer plusieurs semaines et les pousses survivantes n’ont pas bien repris.

En novembre, on grignote habituellement des arachides fraîches à tout heure du jour et de la nuit. Cette année il n’y a pas d’arachide à se mettre sous la dent, et ce n’est pas seulement à cause du ramadan.

L’année dernière c’était juste le mil qui avait été touché. Les familles avaient donc dû en acheter pour se nourrir, ce qui a encore accentué l’idée qu’il faut aller travailler en ville pour s’en sortir.

Quand le mil ne pousse pas correctement on ne peut pas non plus refaire les clôtures, car "les bâtons sont trop courts." En cinq ans j’ai vu nombre de clôtures être remplacées par des murs de parpaings. Les jeunes qui ont des petits revenus en ville veulent construire en dur, et ne plus avoir de clôtures à refaire tous les deux ou trois ans.

Les champs sont répartis autour du village. On essaye d’alterner les cultures (arachide, manioc, mil, haricot) et on laisse toujours un côté du village en jachère là où le berger emmènera les animaux paître.

Le village le plus proche, Sin Mandiaga, n’est qu’à 500 mètres au nord. Sin fonctionne comme une banlieue de Santhiou. Les gens de Sin viennent à la boutique de Santhiou, les familles sont liées, deux enfants de Sin fréquentent notre école.

L’autre voisin immédiat, c’est Ndankh, à deux kilomètres à l’ouest. C’est un homme de Ndankh, Bouna, qui vint le premier s’installer à l’écart, pour fonder Santhiou Bouna. Les familles des deux villages sont donc liées, mais une certaine rivalité est entretenue entre les deux villages. D’abord dans les matches de football organisés l’été pendant la saison agricole. Mais aussi autour de vieilles et moins vieilles histoires à propos de ce que Ndankh a obtenu et que Santhiou n’a toujours pas. Une piste de terre battue, trois belles classes construites par une ONG japonaise, un télécentre (boutique pour téléphoner).

Santhiou sera-t-il le premier des deux villages à obtenir l’électricité ?

Le village grandit, et je veux réfléchir à l’aider en profondeur. Si on veut éviter l’exode rural, il faudra inventer des activités lucratives au village. Sans transport et sans électricité c’est sans doute encore trop tôt, mais dans quelques années ?

Comme dit Sakho, le maître d’école, je suis devenu un fils de Santhiou Bouna...

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Extrémité Est du village

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