Santhiou Bouna

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5. Les déjeuners

jeudi 13 février 2003, par Christophe D.


Ali (prononcer aalè) est le frère d’Amadou, en l’occurrence ils ont le même père mais une mère différente. Il habite l’enclos voisin où résident aussi son frère (même père même mère), et leurs femmes et enfants respectifs ainsi qu’un frère de leur père.

La notion de frère chez les wolofs est très étendue. On est frères quand on a grandi dans la même maison, qu’on soit ou non de même père et mère. C’est ainsi que les cousins sont souvent présentés comme des frères.

Chez Ali, on a disposé le bol à l’ombre sous un arbre. Il s’agit d’une grande bassine d’aluminium contenant du petit riz préparé avec des gniébés (petits haricots en grains qui poussent ici) quelques fleurs de bissap blanc comme légume et un morceau de poisson séché pour parfumer. Une femme apporte une cuvette avec un peu d’eau pour se rincer la main. J’ai droit à une coudou (cuillère).

On s’installe à sept ou huit, accroupis autour du bol. Chacun allonge son bras et saisit une poignée de riz à plein paume, la presse en boule avec dextérité et ingurgite l’énorme bouchée d’un geste déterminé. On ne parle pas sauf pour disputer les petits qui mettent la main gauche dans le plat.

Ali brise le morceau de poisson et le répartit autour du plat. On jette les arrêtes à ses pieds dans le sable, quelques grains de riz tombent aussi qui feront le bonheur des poules qui vont passer plus tard.

On m’invite à bien manger, car je fait figure de lambin avec ma cuillère et ma façon de mâcher. Dès qu’un des convives est rassasié, il se retire, rince à nouveau sa main et part vaquer. Je ne mange pas trop, car je sais qu’un autre repas m’attend chez Amadou. Je me débarrasse de ma coudou dans la cuvette rince-doigts.

Diao m’invite à manger. Je le suis donc avec Amadou à travers le village. Salutations à ceux qu’on croise, puis aux nombreux membres de la maison. Il m’invite dans sa case. On laisse ses sandales avant d’entrer. On m’offre de m’allonger sur le lit et me procure un coussin pour m’appuyer. On attend que les femmes apportent le repas.

Comme dans chaque case moderne (en parpaings) l’aménagement semble immuable. Trois mètres sur trois, une porte en façade équipée d’un rideau, une petite ouverture sur l’arrière avec un rideau et un volet de tôle ondulée. Le sol est plus ou moins recouvert d’une mince ballatum proche de la toile cirée.

Dans un angle une petite table très haute sert à entreposer la vaisselle hors de portée des petits : bassines d’alu ou de tôle émaillée fermées d’un plat et empilées, quelques verres et gobelets posés tête en bas. Sous la table, protégé par un grand pagne qui sert de nappe, on stocke les rares vêtements, pliés dans des sacs. Dans un autre coin un seau à couvercle sert de réserve d’eau. Un gobelet en plastique avec anse est posé dessus, renversé, il sert à y puiser et à boire. Un ou deux lits sont disposés en angle contre les murs libres. Lits anciens en métal ou lits modernes en bois de récupération dont ont sent les lattes irrégulières et trop espacées à travers les matelas de mousse.

C’est du riz aux gniébés avec du manioc (gnambi) et du poisson fumé. On nous sert à l’intérieur pour ne pas attirer de trop nombreux convives. On envoie chercher une coudou. Diao sème un peu de piment broyé et séché pour ceux qui en veulent. Je mange un peu, puis j’ai soif. Un petit est délégué me chercher de l’eau fraîche au canari.

Il faut maintenant rentrer chez Amadou car le repas doit être prêt.


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