Santhiou Bouna

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8. Matinée

jeudi 13 février 2003, par Christophe D.


Amadou, Ndeye et leur fille Khadi dorment ensemble dans le même lit.

On dort enveloppés sous un drap qui protège des insectes qui habitent la case. Un grillon a chanté sous la table tout le début de la nuit. D’autres insectes se laissent parfois tomber sur le drap. Aucun ne pique. Il n’y a pas de moustiques au village, seulement pendant l’hivernage, de juin à septembre, saison des pluies et des cultures. Il y a eu plusieurs morts au village cette année, à cause du paludisme.

Ndeye se lève tôt avant le lever du soleil. Elle va chercher de l’eau et se laver. Amadou va faire ses ablutions et prier. Puis il revient se coucher avec la petite Khadi.

On entend les femmes piler pour préparer le lax du petit déjeuner. C’est du mil broyé et cuit à l’eau, arrosé de lait caillé. Le sol résonne des coups de pilon qui se multiplient peu à peu dans toutes le directions. Le soleil se lève à sept heures. Je somnole encore un peu.

Je n’ai pas résolu de faire mes besoins dans un trou de sable comme on fait ici. Je remplis la barada pour aller WC près de la boutique.

La barada (théière), est un récipent de plastique en forme de bouilloire. Elle sert à verser l’eau pour les ablutions et se nettoyer le derrière. Je traverse le village jusqu’aux toilettes de Modou Ndiaye. On ne me serre pas encore la main, peut-être parce que je ne suis pas lavé.

Je prends ensuite ma douche du matin. Elle me rafraîchit de la transpiration de la nuit. Il fait si chaud sous le drap dans la case de parpaings. La poule rousse ou une de ses congénères ne manquent pas de venir de me visiter quand l’eau se répand dans le sable. J’enfile mon short et ma chemisette. Me voilà prêt pour une nouvelle journée.

Ndeye a acheté deux sachets de Nescafé pour moi, et du pain. Je prends le café sans sucre ce qui étonne tout le monde. Et je mange mon pain sec car il n’y a bien sûr ni beurre ni confiture.

Je décide de suivre Modou et Pape qui vont aux champs couper des tiges de mil pour la réfection des clôtures. Je me fais agripper par les xaxam, sortes de minuscules grattons très piquants et très adhésifs qui viennent de graminées que j’ai encore du mal à repérer avant de m’être fait piéger. Les xaxam s’accrochent au bas de mon bermuda, me piquent les jambes et enfoncent leurs épines dans ma peau trop tendre quand j’essaie de m’en débarrasser.

Modou et Pape coupe-coupent les tiges de mil. Plus tard ils feront un gros fagot et le chargeront sur le cheval. Ils me font réciter les noms de quelques plantes et m’en apprennent de nouveaux. Ni l’un ni l’autre ne parlent français. Modou chante en coupant le mil.

Pape est un enfant de Casamance que ses parents ont confié tout petit au père d’Amadou. C’est un petit frère. Il élève des poules pour gagner de quoi s’acheter quelques vêtements. Elles arborent un ruban rouge distinctif noué autour de leur patte. Pape est fort aux "petites cartes" mais ne peut s’empêcher de tricher. Modou est tout petit et tout mince. Toujours prêt quand il s’agit de menacer les enfants avec une badine, il n’a pas d’autres vêtements qu’un vieux short et un tee-shirt en lambeaux.

Je me plonge dans l’observation d’une fourmilière en les attendant. Il faudra que j’amène un livre illustré sur les fourmilières l’année prochaine...

Vers onze heures, le soleil commence à taper. Il est temps de rentrer à l’ombre. Et les amis arrivent, et les enfants. Et on me réclame les petites cartes. Et la journée commence.


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